Si vous passez dans le Kochersberg, arrêtez vous devant "La caravane passe" de Michel Dejean (Stutzheim Offenheim) et ne loupez pas "La culture de l'oubli" de Pierre Gaucher (Médiathèque de Truchtersheim).
« Tout ce qu’on dit, tout ce qu’on écrit n’a finalement aucune importance, nous ne faisons tout simplement que lutter contre l’effacement car nous ne pouvons pas admettre que le combat soit perdu d’avance, nous cultivons ainsi une compréhension du monde pour faire joli et qui nous empêche de voir le vide infini de notre connaissance, en fait toute notre culture est une culture de l’oubli : nous apprenons à nous souvenir de mille choses inutiles pour mieux oublier l’essentiel. »
Cet article paraîtra dans le prochain numéro de Transversalles (15 octobre - 15 novembre)
La culture de l’oubli
Dans le cadre de sa Route de l’Art Contemporain, le Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines a inauguré en septembre dernier à Truchtersheim sa trente-troisième œuvre installée dans le domaine public. « La culture de l’oubli » de Pierre Gaucher est une sculpture métallique installée dans l’accès principal de la médiathèque, à la manière d’un paravent découpé, d’une grille de lettres et de mots, offerte à la vue, mais aussi à la lecture des passants. Depuis vingt-deux ans, le CEAAC sème et installe en Alsace des œuvres d’art contemporain, en secteur urbain ou en milieu rural, dans des lieux emblématiques mais aussi en d’autres plus retirés, plus discrets. On connaît bien sûr la « Ligne Indéterminée », sculpture monumentale de Bernard Venet à Strasbourg, place de Bordeaux, mais sans doute un peu moins « Sequoia Mirabilis » de Patrick Meyer (Niederbronn), Aqua de Katsuhito Nishikawa (Parc de Wesserling), « Trois Vitraux », de Lothar Quinte et Sibylle Wagner dans la chapelle de Champenay, ou d’autres encore disséminées dans les deux départements, posées comme autant de sentinelles, de bornes dessinant le chemin et traçant une trame invisible. C’est un travail de patience et de longue haleine qu’a initié le CEAAC, et ce qui était au départ un acte militant s’est petit à petit imposé jusqu’à devenir cette quasi-évidence de la présence d’œuvres d’art dans le paysage urbain et rural. Et cette dynamique s’étend : pour preuve la création toute récente de la Route de l’Art dans le Kochersberg, née d’une volonté de marquer le développement de la culture dans ce pays de traditions.
Les habitants du Kochersberg connaissent la sculpture de Michel Dejean « La caravane passe » visible à Stutzheim-Offenheim au bord de la route, mais lorsqu’ils se rendront à la médiathèque de Truchtersheim, ils passeront dorénavant devant, et à travers, l’œuvre de Pierre Gaucher « La culture de l’oubli ». Le C.E.A.A.C. avait déjà décerné à cet artiste le prix du Conseil Général du Haut-Rhin en 1996. Découpée en deux panneaux séparés, cette œuvre est constituée par un assemblage de lettres en métal épais soudées entre elles, sans intervalles et sans ponctuation. L’ensemble est organisé en deux parties non alignées, de chaque côté d’un large couloir extérieur couvert menant à la médiathèque. La séparation entre les deux panneaux de texte ne tient pas compte des débuts et fins de mots, les lignes ne sont pas nécessairement complètes. L’œuvre est intégrée dans le bâtiment, dans une parfaite complémentarité, dans une proximité aussi qui nous la rend plus sensible et plus accessible.
En se dédouanant d’une partie des contraintes de l’écriture, Pierre Gaucher nous permet à la fois d’être dans le texte et de sortir de ses conventions. Etant visible par ses deux côtés, l’une des faces apparaît comme une langue étrangère, une sorte de charabia à première vue incompréhensible. La sculpture nécessite un effort : il faut s’arrêter et lire avec attention pour en comprendre le fonctionnement et le sens. Les constructions des alentours sont visibles à travers les interstices et de ce fait, l’œuvre est, d’une certaine manière, inscrite dans le paysage. A l’inverse, lorsqu’on lit le texte, c’est le paysage qui s’inscrit dans l’œuvre, créant par là une forme de va-et-vient, un dialogue permanent avec l’environnement. A la manière d’une porte symbolique et initiatique, cette trace écrite de taille humaine accueille le visiteur et le lecteur venant à la médiathèque : des lettres alignées comme des livres sur des rayonnages. Comme un signal, comme un signe, comme un symbole, cette œuvre va bien au-delà de la fonction décorative. Elle parle d’elle-même, les mots disent tout, mais sans gravité ni lourdeur, invitant à la réflexion autant qu’à la lecture. La culture de l’essentiel est une invitation à réfléchir sur l’essentiel et l’inutile qui remplit la vie, un questionnement sur la trace laissée par une existence.
Une exposition d’autres œuvres de Pierre Gaucher est visible à la médiathèque, permettant de mieux appréhender les différentes facettes du travail de l’artiste. Pièces droites monumentales, tabourets ou cylindres, on pourra également apprécier le travail d’écriture sur des tôles par martelage.
Texte de l’œuvre de Pierre Gaucher
Les habitants du Kochersberg connaissent la sculpture de Michel Dejean « La caravane passe » visible à Stutzheim-Offenheim au bord de la route, mais lorsqu’ils se rendront à la médiathèque de Truchtersheim, ils passeront dorénavant devant, et à travers, l’œuvre de Pierre Gaucher « La culture de l’oubli ». Le C.E.A.A.C. avait déjà décerné à cet artiste le prix du Conseil Général du Haut-Rhin en 1996. Découpée en deux panneaux séparés, cette œuvre est constituée par un assemblage de lettres en métal épais soudées entre elles, sans intervalles et sans ponctuation. L’ensemble est organisé en deux parties non alignées, de chaque côté d’un large couloir extérieur couvert menant à la médiathèque. La séparation entre les deux panneaux de texte ne tient pas compte des débuts et fins de mots, les lignes ne sont pas nécessairement complètes. L’œuvre est intégrée dans le bâtiment, dans une parfaite complémentarité, dans une proximité aussi qui nous la rend plus sensible et plus accessible.
En se dédouanant d’une partie des contraintes de l’écriture, Pierre Gaucher nous permet à la fois d’être dans le texte et de sortir de ses conventions. Etant visible par ses deux côtés, l’une des faces apparaît comme une langue étrangère, une sorte de charabia à première vue incompréhensible. La sculpture nécessite un effort : il faut s’arrêter et lire avec attention pour en comprendre le fonctionnement et le sens. Les constructions des alentours sont visibles à travers les interstices et de ce fait, l’œuvre est, d’une certaine manière, inscrite dans le paysage. A l’inverse, lorsqu’on lit le texte, c’est le paysage qui s’inscrit dans l’œuvre, créant par là une forme de va-et-vient, un dialogue permanent avec l’environnement. A la manière d’une porte symbolique et initiatique, cette trace écrite de taille humaine accueille le visiteur et le lecteur venant à la médiathèque : des lettres alignées comme des livres sur des rayonnages. Comme un signal, comme un signe, comme un symbole, cette œuvre va bien au-delà de la fonction décorative. Elle parle d’elle-même, les mots disent tout, mais sans gravité ni lourdeur, invitant à la réflexion autant qu’à la lecture. La culture de l’essentiel est une invitation à réfléchir sur l’essentiel et l’inutile qui remplit la vie, un questionnement sur la trace laissée par une existence.
Une exposition d’autres œuvres de Pierre Gaucher est visible à la médiathèque, permettant de mieux appréhender les différentes facettes du travail de l’artiste. Pièces droites monumentales, tabourets ou cylindres, on pourra également apprécier le travail d’écriture sur des tôles par martelage.
Texte de l’œuvre de Pierre Gaucher
« Tout ce qu’on dit, tout ce qu’on écrit n’a finalement aucune importance, nous ne faisons tout simplement que lutter contre l’effacement car nous ne pouvons pas admettre que le combat soit perdu d’avance, nous cultivons ainsi une compréhension du monde pour faire joli et qui nous empêche de voir le vide infini de notre connaissance, en fait toute notre culture est une culture de l’oubli : nous apprenons à nous souvenir de mille choses inutiles pour mieux oublier l’essentiel. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire