vendredi 24 juillet 2009

Germain Roesz et Martin Schongauer

Voici mon dernier article à paraître dans l'Hebdoscope du mois d'août. L'article est visible sur le site Tranversales en cliquant sur http://www.transversalles.com/nord/index.php?id=113&no_cache=1&zone=4&tx_ttnews[tt_news]=2690&tx_ttnews[backPid]=5
Vous pourrez voir des photos dans mon billet du 16 juillet en cliquant sur
http://tasseetplume.blogspot.com/2009/07/germain-roesz-colmar.html
Pérégrinations carminées

Germain Roesz
expose à Colmar, en deux lieux différents : au Lézard et à la Bibliothèque Municipale. Pour l'artiste, colmarien d'origine mais strasbourgeois d'adoption, il s'agit d'un retour aux sources, mais pas seulement. Si l'articulation maîtresse de ce travail s’est dessinée à partir de « La Vierge au buisson de roses » de Martin Schongauer, c'est aussi dans sa propre enfance et dans ses souvenirs que l'artiste est allé puiser son inspiration. L'exploration artistique donne lieu ici, de surcroît, à un livre autobiographique : « L 'Eclat Rouge ».
Un livre et deux lieux : belle occasion de se promener sur les pas de Germain Roesz, à la fois dans le temps par la lecture et dans l’espace à la rencontre des expositions. La galerie du Lézard, l’association culturelle colmarienne, présente une partie des œuvres constituant « L’éclat rouge, hommage à Martin Schongauer ».
L’exposition de la Bibliothèque est partagée en deux secteurs. A l’intérieur du bâtiment quatorze moyens formats (acrylique sur papier) et plusieurs vitrines présentent la démarche poétique et le travail d’illustration. Mélange d’écritures et de peinture, ces travaux se situent dans la droite ligne du travail de l’artiste. A l’extérieur c’est l’ancien cloître des Dominicains qui accueille dans sa galerie six grands formats à l’huile sur toile (jusqu’à 3,60 m sur 2,80 m) et une dizaine de formats plus réduits, intégrés dans les éléments architecturaux : portes, cartouches muraux. La proximité géographique de l’œuvre de Martin Schongauer et les travaux exposés là s’impose tout de suite : un seul mur sépare les deux espaces, les deux regards, mais la parenté virtuelle est ici clairement incarnée, le dialogue y est permanent. En investissant les murs du cloître, l’artiste nous impose une fois de plus cette évidence : l’art contemporain s’accorde à merveille avec l’architecture médiévale et la sérénité de l’endroit. La force des lignes répond aux arrondis des chapiteaux, l’énergie de la couleur se marie aux murs ocres et à la végétation du cloître.
« La Vierge au buisson de roses » (1473) chef d’œuvre de Martin Schongauer exposé à l’Eglise des Dominicains, constitue le point de départ de ce travail de Germain Roesz. Ce tableau lui apparaît comme l’une des pièces maîtresses de ses édifications enfantines. Source d’inspiration puissante, il représente une vierge à l’enfant, assise devant une roseraie fleurie où apparaissent des oiseaux et des anges, chargés de symboles. L’influence des peintres flamands est ici sensible, que ce soit dans l’expression du visage de la vierge ou dans le travail du drapé de sa robe rouge. Si le réalisme et les symboles étaient de mise pour Schongauer, pour Roesz l’inclassable, (expressionnisme abstrait ou abstraction lyrique, post-fauve ?) nous n’assistons pas à une tentative d’imitation ou de copie. Ce qui l’attire dans cette vierge au jardinet, ce n’est pas son regard triste et sa souffrance, ce n’est pas le contraste entre son expression et la luxuriance florale du fond, mais bel et bien un élément marquant, exploré et exploité jusqu’à l’usure : « Si je considère juste le drapé, j’ai une formidable entrée dans la couleur, une porte vers une abstraction rouge. Se perdre dans le manteau de la Vierge n’est pas irréparable » (in L’Eclat Rouge).
Ce drapé sera le trait d’union entre enfance et présent, art médiéval et art contemporain. Pour lui, cet élément du tableau est fondateur et déclencheur. Ce manteau rouge retombant sur un parterre d’herbes et de fleurs constitue le point de départ d’une déclinaison, le fil conducteur, le lien tissé d’une toile à l’autre, le prétexte créatif, la permanence incandescente d’un développement répété. A travers cette démarche, il repousse les limites de son sujet, explorant jusqu’à la frontière inconnue de sa sensibilité et de ses souvenirs enfouis. On retrouve ainsi une silhouette esquissée, un visage suggéré par quelques coups de pinceau, mais surtout ces traits de couleur renvoyant sans cesse au drapé du tissu. Le pli se transforme en ligne, la peinture en devient sensuelle, tant la projection du manteau laisse entrevoir ce qu’il devait cacher. Au travers de cet hommage à Martin Schongauer, la vierge passe du jardinet au jardin, et Germain Roesz revient sur ses brisées. Interrogeant tant sa mémoire que le lieu où il a grandi, tant l’histoire que ses traces, il nous invite à une évocation personnelle où se mêlent les images et les mots, jusqu’à l’oubli du temps.

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