Au travers d’environ quatre-vingt pièces, dessins, peintures, sculptures et installations, l’exposition brosse un tableau saisissant d’une partie de l’histoire de l’art depuis la fin du 19ème siècle, à la manière d’une déambulation curieuse offrant une nouvelle surprise à chaque détour. En la visitant on croit feuilleter un livre sans savoir ce qui nous attend à chaque page tournée. Le propos n’est ni pédagogique ni didactique, l’exposition n’a pas l’intention de présenter une rétrospective historique, mais de nous laisser pénétrer un monde très personnel dans lequel prime l’émotion, l’acuité du regard, le ressenti du collectionneur, sans toutefois tomber dans un voyeurisme déplacé.
Les sculptures installées en extérieur donnent le ton : Henry Moore (Large Intérior Form, 1982), Barbara Hepworth (Conversation with Magic Stones, 1973), Antony Gormley (Close V, 1998) ou encore les lapins acrobates de Barry Flanagan (Acrobates, 1997) se sont joints Bernard Venet dont le « Triptyque : 220°Arc x 5,2000 » est installé à demeure. On y verrait presque une préfiguration de l’aménagement du parc entourant les bâtiments du musée…
L’intérieur est organisé en quatre sections principales. La première fait se côtoyer art optique et Pop’Art avec un empaquetage de Christo, des œuvres de Gerhard Richter, Anselm Kiefer et Georg Baselitz.. On remarquera le très troublant « Virtuale Sfumato » (2002) de Jesus Rafael Soto et l’impressionnant « Tannhäuser » (1991) d’Anselm Kiefer
La montée à l’étage nous fait faire un saut en arrière nous emportant à la fin du 19ème siècle avec des œuvres d’Eugène Boudin, Camille Pissaro et Max Liebermann. Le monde des impressionnistes annonce l’avènement de la modernité et nous amène naturellement vers les expressionnistes allemands représentés par Emil Nolde et Heinrich Campendonk, auxquels ont été adjointes les créations poétiques de Paul Klee et Max Beckmann. Les sculptures de Stephan Balkenhol leur succèdent avec « Sieben Figuren mit Haus » (2005/2006), proposant un réalisme dénué de pathos et marqué par la simplicité.
Le courant surréaliste est représenté par Hans Arp, Jean Masson et René Magritte « Le domaine enchanté I » (1953) dans une salle évoquant le cabinet précieux. Une terrasse attenante met en scène trois sculptures de Max Ernst à l’évocation puissante et inquiétante : « Big Brother » (1967) et « Corps enseignant pour une école de tueurs » (1967).
La fin de l’exposition présente successivement des peintures de Fernando Botero et de Karl Appel, avant de nous amener à trois sculptures-machines de Jean Tinguely.
L’affiche donne le ton, nous invitant en souplesse à suivre un cheminement à travers plus d’un siècle de création. Les toiles orange de « The Gates, Project for Central Park » (2002) de Christo et Jeanne-Claude, annonce la ballade dynamique dans le temps et les styles, donnant une ligne directrice, mais sans imposer de chronologie lourde. Le franchissement métaphorique des « Portes » prend ici une triple dimension : entrer dans une collection à travers des œuvres sélectionnées, pénétrer l’esprit du collectionneur en découvrant ses coups de cœur et ses choix, passer d’une époque à une autre en changeant de salle. La promenade est surprenante. Ces sauts temporels et stylistiques pourraient déstabiliser mais le changement de langage se fond dans la perception du spectateur, attentif à ne chercher d’autre cohérence que celle de l’attrait pour chaque pièce, chaque coup d’œil s’inscrivant dans le regard d’ensemble de la collection. Si l’œuvre déclenche l’émotion, l’effet de surprise la renforce encore, pour notre plus grand plaisir.
Max Beckmann "La Corniche" (1931, huile sur toile)
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